mercredi 23 janvier 2008

Et quel titre mettre ?

Pfou, ce soir ce fut une de ces soirées Arte qui vous plombent ladite soirée, avec successivement Sonderkommando Auschwitz-Birkenau et Il faudra raconter . Le premier, c'est une lecture des cahiers retrouvés de ces Sonderkommandos sur fond de silence pesant et d'images fixes des restes du camp de nos jours. L'autre suit quatre survivants, et recueille une part de leur témoignage. Vous vous doutez qu'après ça, on se sent très boute-en-train...

Le deuxième documentaire se conclut sur deux évocations du Pélican dans la poésie. Le fils, qui réalise le reportage, pense à celui de Desnos ( mort d'épuisement et de typhus en 1945 au camp de Térézin, peu après la libération de celui-ci ) dans Chantefable :

Le Capitaine Jonathan,
Etant âgé de dix-huit ans
Capture un jour un pélican
Dans une île d'Extrême-orient.

Le pélican de Jonathan
Au matin, pond un oeuf tout blanc
Et il en sort un pélican
Lui ressemblant étonnamment.

Et ce deuxième pélican
Pond, à son tour, un oeuf tout blanc
D'où sort, inévitablement
Un autre, qui en fait autant.

Cela peut durer pendant très longtemps
Si l'on ne fait pas d'omelette avant.

Son père, un de ceux dont le témoignage est recueilli dans le documentaire, évoque, lui, le passage pathétique et poignant de La Nuit de Mai de Musset, où le pélican nourrit ses enfants de son sang :

[La Muse
... ]

Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots.
Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage,
Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
Ses petits affamés courent sur le rivage
En le voyant au loin s'abattre sur les eaux.
Déjà, croyant saisir et partager leur proie,
Ils courent à leur père avec des cris de joie
En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux.
Lui, gagnant à pas lent une roche élevée,
De son aile pendante abritant sa couvée,
Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.
Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte;
En vain il a des mers fouillé la profondeur;
L'océan était vide et la plage déserte;
Pour toute nourriture il apporte son cœur.
Sombre et silencieux, étendu sur la pierre,
Partageant à ses fils ses entrailles de père,
Dans son amour sublime il berce sa douleur;
Et, regardant couler sa sanglante mamelle,
Sur son festin de mort il s'affaisse et chancelle,
Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur.
Mais parfois, au milieu du divin sacrifice,
Fatigué de mourir dans un trop long supplice,
Il craint que ses enfants ne le laissent vivant;
Alors il se soulève, ouvre son aile au vent,
Et, se frappant le cœur avec un cri sauvage,
Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu,
Que les oiseaux des mers désertent le rivage,
Et que le voyageur attardé sur la plage,
Sentant passer la mort se recommande à Dieu.

Si vous avez regardé une chaîne plus gaie ce soir, bonne nuit à vous.

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