
samedi 5 avril 2008
My... preeeecious !

lundi 4 février 2008
Impuissance bloguique
Alors pour poster quand même un truc, plutôt que de parler d'Arizona dream sur Arte - un beau film empreint de tristesse et de nostalgie -, et de me poser des questions sur la politique des Balkans, de la vision de Kusturica sur celle-ci et ce qui en transparaîtrait dans ses films ( dommage que wikipedia soit... wikipedia, surtout le français ! je sens que je vais critiquer, glissons !) et du fait que je trouvez Lili Taylor belle comme femme et bonne comme actrice ( cette assertion est d'un stupide ) ; plutôt que de me moquer du Monde que j'ai pris en flagrant délit de pas vérifier ses infos dans la version des supérieurs de Kerviel de l'affaire de la Générale, vu comment les journalistes y merdent sur la notion de martingale en mathématiques, la confondant avec le dénoté du mot en français courant, jusqu'au ridicule ( qui en fait n'était pas bien loin ), et du fait que c'est quand même la 3e version de l'histoire qu'ils présentent sans esprit critique aucun ( les deux autres étant celle de Bouton, et celle résultant de l'audition de Kerviel ) ; je vais vous proposer un poème simple et rapide mais beau, qui ferait un bon écho à mon état ( enfin plus maintenant que je vous ai déjà pondu cette phrase à la Proust le talent en moins ).
J'avais proposé ce poème pour qu'il soit affiché à mon ancien lycée avec d'autres à l'occasion d'un Printemps de la poésie. Etonnament, il ne fut pas retenu, je me demande bien pourquoi... Enfin, je suppose que quand vous l'aurez lu - dans un instant - vous aurez peut-être comme moi votre petite idée sur la question. Je suppute que pour les fins esprits décideurs qui se sentaient obligés de participer à l'évènement sans y éprouver d'intérêt, voire sans l'approuver ( de la poésie, beuuuuh ), de la poésie fallait que ce soit beaucoup de vers, et tant qu'à faire en alexandrins. Bon, pour être tout à fait honnête, maintenant qu'il y a prescription, je reconnais que si j'avais proposé ce poème parce que je le trouvais beau, c'était aussi par dérision de ce Printemps de la poésie organisé au lycée, sachant très bien qu'il serait refusé pour les raisons susdites. Je n'ai pas été déçu de ce côté là ^0^
Mais allons-y pour ce poème d'Apollinaire tiré de ses Alcools :
Chantre
Et l'unique cordeau des trompettes marines
XD
Post blogum : Mais si Fuv ! Je te jure je blogue pas, je pars bosser !
lundi 28 janvier 2008
Un pour tous, et caetera

samedi 26 janvier 2008
Stanco di aver lavorato

Ce passager sur wikipédia en tant que contributeur/traducteur a aussi été l'occasion d'améliorer et d'achever de créer la boîte ancien français de Wikipedia:Babel. La version précédente évoquait quelqu'un qui avait voulu se faire plaisir avec de l'ancien français, aucun mal à cela ( après tout, j'ai fais pareil en corrigeant ;-) , mais elle n'était pas très correcte du point de vue de la langue. La première occurrence d'« assister » arrivait trop tard dans la langue française pour appartenir au domaine de l'ancien français, et puis surtout, il y a avait la question de « francor ». Avec vavassor (vassal de vassal ) et Chandelor, c'est un des restes du génitif latin en ancien français. Mais ces restes ne font pas long feu, et un terme comme Francor ( « des Francs ») est vite cantonné au genre épique, puis à plus rien du tout ! Typiquement, c'est du style de La Chanson de Roland ( qui est du début de la période de l'ancien français, et où on l'y trouve ).
Mais revenons à Pavese. Les notes précédentes de ce blog vous auront sans doute appris à vous méfier : je vais vous traduire un poème de Lavorare stanca. Comme nombreux sont fort beau, le choix de l'un d'exu n'était pas si évident au départ, alros j'ai finalement opté pour le poème éponyme. Pour au moins deux raisons. La première est que c'est lui qui a fini par me faire lire l'ensemble du recueil, alors que j'avais déjà 36.000 livres sur le feu ; le deuxième est que ce poème porte bien ce sens de la solitude et de l'incommunicabilité qui traverse tout l'ouvrage et en constitue un thème central. Il est possible d'ailleurs que ce ne soit pas que l'ouvrage mais toute l'oeuvre pavésienne que traversent ces thèmes. Je ne serais pas le dire avec certitude, vu que le seul autre ouvrage de Pavese que je connaisse pour le moment est La Bella Estate que je suis encore en train de lire. Du moins dans celui-ci il est clair que ces thèmes sont encore présents et importants ( vous ai-je dis que j'aimais les lectures tristes où les personnages sont malheureux, parce que sinon c'est pas drôle ? ;-)
Et donc, allons-y pour Travailler fatigue ^_^
Lavorare stanca
Traversare una strada per scappare di casa
lo fa solo un ragazzo, ma quest’uomo che gira
tutto il giorno le strade, non è più un ragazzo
e non scappa di casa.
Ci sono d’estate
pomeriggi che fino le piazze son vuote, distese
sotto il sole che sta per calare, e quest’uomo, che giunge
per un viale d’inutili piante, si ferma.
Val la pena esser solo, per essere sempre più solo ?
Solamente girarle, le piazze e le strade
sono vuote. Bisogna fermare una donna
e parlarle e deciderla a vivere insieme.
Altrimenti, uno parla da solo. È per questo che a volte
c’è lo sbronzo notturno che attacca discorsi
e racconta i progetti di tutta la vita.
Non è certo attendendo nella piazza deserta
che s’incontra qualcuno, ma chi gira le strade
si sofferma ogni tanto. Se fossero in due,
anche andando per strada, la casa sarebbe
dove c’è quella donna e varrebbe la pena.
Nella notte la piazza ritorna deserta
e quest’uomo, che passa, non vede le case
tra le inutili luci, non leva più gli occhi :
sente solo il selciato, che han fatto altri uomini
dalle mani indurite, come sono le sue.
Non è giusto restare sulla piazza deserta.
Ci sarà certamente quella donna per strada
che, pregata, vorrebbe dar mano alla casa
Travailler fatigue
Traverser une rue pour s'enfuir de chez soi
Seul un enfant le fait, mais cet homme qui court
Les rues tout le jour, il n'est plus un enfant
Et il ne s'enfuit pas de chez lui
L'été il est
Des après-midi où jusqu'aux places sont vides, étendues
Sous le Soleil qui va amorcer son coucher, et cet homme, qui s'en vient
Par une avenue de plantes inutiles, s'arrête.
Cela vaut-il la peine d'être seul, pour être toujours plu seul ?
A seulement les parcourir, les places et les rues
Sont vides. Il faudrait arrêter une femme
Et lui parler et la convaincre de vivre à deux.
Sinon, on parle tout seul. C'est pour cela que parfois
Il se trouve un soulaud nocturne pour attaquer un discours
Et raconter les projets de toute une vie.
Ce n'est certes pas en attendant sur la place déserte
Que l'on rencontre quelqu'un, mais celui qui court les rues
S'arrête aussi de temps en temps. S'ils étaient deux,
Aussi à aller par les rues, le chez-soi serait
Où se trouve cette femme et cela vaudrait la peine.
La nuit la place redevient déserte
Et cet homme, qui passe, ne voit pas les maisons
Entre les lumières inutiles, il ne lève plus les yeux :
Il sent seulement le pavé que d'autres hommes ont placé
De leurs mains durcies, comme le sont les siennes.
Ce n'est pas juste de rester sur la place déserte.
Il y a certainement une femme dans la rue
Qui, si on l'en priait, accorderait le foyer.
A la traduction, brutale - celle de Poésie/Gallimard est peut-être mieux, mais inférieure à l'original en italien -, je me demande ce que veulent finalement dire les derniers vers... Au départ je pensais que ce devait être que quelque part, il y aurait une femme avec qui vivre, même pour cet homme. Mais, à la réflexion, et vus les thèmes de l'oeuvre et certaines autres poésies, je me demande s'il ne serait pas question ici d'une prostipute...
mercredi 23 janvier 2008
Et quel titre mettre ?
Le deuxième documentaire se conclut sur deux évocations du Pélican dans la poésie. Le fils, qui réalise le reportage, pense à celui de Desnos ( mort d'épuisement et de typhus en 1945 au camp de Térézin, peu après la libération de celui-ci ) dans Chantefable :
Le Capitaine Jonathan,
Etant âgé de dix-huit ans
Capture un jour un pélican
Dans une île d'Extrême-orient.
Le pélican de Jonathan
Au matin, pond un oeuf tout blanc
Et il en sort un pélican
Lui ressemblant étonnamment.
Et ce deuxième pélican
Pond, à son tour, un oeuf tout blanc
D'où sort, inévitablement
Un autre, qui en fait autant.
Cela peut durer pendant très longtemps
Si l'on ne fait pas d'omelette avant.
Son père, un de ceux dont le témoignage est recueilli dans le documentaire, évoque, lui, le passage pathétique et poignant de La Nuit de Mai de Musset, où le pélican nourrit ses enfants de son sang :
[La Muse
... ]
Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots.
Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage,
Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
Ses petits affamés courent sur le rivage
En le voyant au loin s'abattre sur les eaux.
Déjà, croyant saisir et partager leur proie,
Ils courent à leur père avec des cris de joie
En secouant leurs becs sur leurs goitres hideux.
Lui, gagnant à pas lent une roche élevée,
De son aile pendante abritant sa couvée,
Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.
Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte;
En vain il a des mers fouillé la profondeur;
L'océan était vide et la plage déserte;
Pour toute nourriture il apporte son cœur.
Sombre et silencieux, étendu sur la pierre,
Partageant à ses fils ses entrailles de père,
Dans son amour sublime il berce sa douleur;
Et, regardant couler sa sanglante mamelle,
Sur son festin de mort il s'affaisse et chancelle,
Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur.
Mais parfois, au milieu du divin sacrifice,
Fatigué de mourir dans un trop long supplice,
Il craint que ses enfants ne le laissent vivant;
Alors il se soulève, ouvre son aile au vent,
Et, se frappant le cœur avec un cri sauvage,
Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu,
Que les oiseaux des mers désertent le rivage,
Et que le voyageur attardé sur la plage,
Sentant passer la mort se recommande à Dieu.
Si vous avez regardé une chaîne plus gaie ce soir, bonne nuit à vous.
vendredi 18 janvier 2008
Il n'est pire fou que...

Il s'agit d'une oeuvre dressant en vers un portrait satirique de divers types de «fous», du faux savant à l'usurier, inspiré par la Réforme, dressé sur un ton bouffon et moralisateur, tous étant destinés à être embarqués dans cette Nef des fous. Cahque portrait est accompagné d'une gravure telle que celle ouvrant cette note qui illustre le passage que je vais vous traduire. Certaines de ces gravures auraient été réalisées par Dürer himself ( je n'ai pas mené une recherche exhaustive, mais je n'ai pas encore assez de certitudes sur ce fait pour user d'un autre mode que le conditionnel ).
Je connaissais l'existance de cette oeuvre, mais c'est par hasard que j'ai eu le plaisir de tomber à Paris sur une édition en fac-similé des originaux de 1494, 1495 et 1499 chez Max Niemeyer Verlag, TÜbingen ^_^ C'est écrit en gothique, alors faut s'habituer à lire ça, et c'est pas de l'allemand moderne, donc c'est pas forcément très facile... Mais pourtant ( sans le lire couramment, je ne prétends certainement pas cela !) je me demande si je n'ai pas moins de difficultés avec cet allemand-là qu'avec le moderne ; cela pourrait venir du nombre moins important ( ainsi qu'il m'a semblé ) de verbes composés, enfer du francophone dont la langue ignore l'agglutination de sa voisine ^_^, Pour m'aider, je me suis quand même acheté une édition de poche en allemand contemporain chez Reclam ( N.B : il existe une édition française qu'on peut trouver ).
C'est le premier portrait que je vais vous traduire ici : Von unnützen Büchern - Des livres inusités. Vous pouvez en trouver une version dans le texte original ici ou là. Et maintenant, place à la folie !
Le texte original :
Den vordantz hat man mir gelan
Danñ jch on nutz vil bűcher han
Die jch nit lyß / vnd nyt verstan
Von vnnutzē buchern
Das jch sytz vornan jn dem schyff
Das hat worlich eyn sundren gryff
On vrsach ist das nit gethan
Vff myn libry ich mych verlan
Von bűchern hab ich grossen hort
Verstand doch drynn gar wenig wort
Vnd halt sie dennacht jn den eren
Das ich jnn wil der fliegen weren
Wo man von künsten reden důt
Sprich ich / do heym hab jchs fast gůt
Do mit loß ich benűgen mich
Das ich vil bűcher vor mir sych /
Der künig Ptolomeus bstelt
Das er all bűcher het der welt
Vnd hyelt das für eyn grossen schatz
Doch hat er nit das recht gesatz
Noch kund dar vß berichten sich
Ich hab vil bűcher ouch des glich
Vnd lys doch gantz wenig dar jnn
Worvmb wolt ich brechen myn synn
Vnd mit der ler mich bkümbren fast
Wer vil studiert / würt ein fantast
Ich mag doch sunst wol sin eyn here
Vnd lonen eym der für mich ler
Ob ich schon hab eyn groben synn
Doch so ich by gelerten bin
So kan ich jta sprechen jo
Des tütschen orden bin ich fro
Danñ jch gar wenig kan latin
Ich weyß das vinū heysset win
Gucklus ein gouch / stultus eyn dor
Vnd das ich heyß domne doctor
Die oren sint verborgen mir
Man sæh sunst bald eins mullers thier
Et une traduction personnelle (pas fignolée du tout hein ^_^, ):
Dans cette danse je suis entraîné
Car j'ai force livre sous la main
Que je ne lis ni ne comprends
Des livres inusités
Que je me tienne à la proue du navire
C'est assurément une farce de choix ;
Cela n'est pas sans raison :
Sur mes livres je me repose,
De livres j'en ai un grand trésor
Dont je ne comprends pour ainsi dire pas un mot,
D'où je les tiens en haute estime ;
Je les garde donc soigneusement des mouches. [Notez le chasse-mouches sur l'illustration]
Quand il advient que l'on parle des Humanités
Je dis : «j'en ai à souhait, à la maison.»
Et je me sens bien contenté
D'avoir force livre sous mon nez.
Du roi Ptolémé il est dit [celui de la bibliothèque d'Alexandrie]
Qu'il avait tous els livres du monde
Et qu'il tenait cela pour un grand trésor
Mais il n'en a tiré nulle morale
Et nul savoir ne lui en est venu.
Pareil à lui j'ai force livre
Et je lis encore moins que lui.
Pourquoi voudrais me casser la tête
Et me charger de savoirs ?
Celui qui veut étudier devient un fantasque !
Je préfèrerais bien plutôt être un monsieur,
Et payer quelqu'un qui apprenne pour moi !
Mais si j'ai un esprit grossier,
Toutefois quand je suis parmi les lettrés
Je puis dire «bien sûr !», «tout à fait !»
De l'Ordre Teutonique je m'éjouit
Car je ne suis que bien peu apte au latin.
Je sais que «vinum» signifie «vin»,
«Gucklus» un coucou [je subordore le cocu, mais c'est encore à contrôler], «stultus» un imbécile
Et que je suis un «domine doctor» !
Mes oreilles sont dissimulées
De peur que l'on aperçoive celles de l'animal du meunier.
vendredi 11 janvier 2008
Que demande le peuple ?
Verrà la morte e avrà i tuoi occhi
questa morte che ci accompagna
dal mattino alla sera, insonne,
sorda, come un vecchio rimorso
o un vizio assurdo. I tuoi occhi
saranno una vana parola,
un grido taciuto, un silenzio.
Cosí li vedi ogni mattina
quando su te sola ti pieghi
nello specchio. O cara speranza,
quel giorno sapremo anche noi
che sei la vita e sei il nulla.
Per tutti la morte ha uno sguardo.
Verrà la morte e avrà i tuoi occhi.
Sarà come smettere un vizio,
come vedere nello specchio
riemergere un viso morto,
come ascoltare un labbro chiuso.
Scenderemo nel gorgo muti.
22 marzo '50
samedi 5 janvier 2008
Je mourirai tué par l'éboulement d'une pile de livres !


A la recherche du temps perdu Tome V : La Prisonnière
Mon vénéré prof de français de seconde parlait de lire Proust lors des voyages en train pour passer le temps. Plaisantait-il où non ? Toujours est-il que l'idée n'est pas si bête et que ma Meatel à moi s'appelle Proust ( ce n'est pas forcément ce que j'eu souhaité ^_^, ). Vous pouvez donc mesurer le nombre de voyages en train que j'ai effectué ces 4 dernières années à ma position dans le cycle. Que ce soit avec ce livre ou avec le cycle, j'en ai pour un bon moment encore !
D'autant que j'ai appris à craindre Proust... Viens un moment où vos pensées rejoingnent celles du narrateur, pour ma part quand le stade de sa vie relaté dans le livre s'est trouvé coïncider avec le mien dans la vraie vie. Depuis, je lis deux pages, je réfléchis, puis je lis deux pages, puis...
Je ne peux pas vour résumer le livre ou le cycle. Nul ne le peut...
( transcription ici pour ceux qui ont du mal avec l'anglais )
Oui, finalement, moi aussi je peux atteindre la première page du premier tome ^_^,
Ich fühl mich so fifty-fifty, par Karin König
Etat de lecture : pause prolongée. Chances de le finir : nulles.
Un livre en allemand que je m'étais promis de lire un jour. Internet et une amélioration de mon pouvoir d'achat aidant j'ai fini par l'acquérir. Il est très bien et très intéressant ( et raconte les expériences et les sentiments d'une allemande de l'Est qui s'est réfugiée à l'Ouest), mais il ne correspond plus à mes centres d'intérêt du moment... Un jour, peut-être...
La Bella Estate / Le Bel Eté, de Pavese
Etat de lecture : pause. Chances de le finir : raisonnables à moyen terme.
Le livre est bilingue, mais c'est en italien que je veux le lire. Là où j'en suis il serait délicat d'en donner un résumé valable : il se bornerait à énoncer quelques faits qui ne sont pas la raison d'être du récit. Comme toujours dans ce que je connais de Pavese c'est très joyeux. C'est la solitude, la ville, et la solitude dans la ville... L'auteur finit par se suicider, je vous en parlerai tantôt ^_^

Sapphô
... Et moi sur des coussins
moelleux, j'apprêterai la beauté mélodieuse de ton corps...
Douce mère, ah! je ne puis plus tisser ma trame.
Le désir d'un garçon m'a domptée, par le vouloir de la svelte Aphrodite.

Odor di femina : amours naturalistes, par E. D.
Etat de lecture : en cours. Chances de le finir : raisonnables à moyen terme.
J'avais acheté ce livre attiré par son titre, qui trouvait en moi un écho du Don Giovanni de Mozart, livret de da Ponte : Mi pare sentir odor di femmina, acte I, scène 4 XD Ce titre m'avait aussi fait espérer que l'ouvrage aborderait l'aspect olfactif de la chose, généralement si délaissé des ouvrages de sa sorte. Hélas il s'est avéré assez décevant, et plutôt conventionnel dans son genre... Je crains que le meilleur de ce livre n'en soit donc sa couverture, qu'orne un beau tableau d'Anders Zorn...
Jude the obscure, par Thomas Hardy
Etat de lecture : en cours. Chances de le finir : ça avance ^_^
Pas de résumé de ce livre, vu que la profonde joie de vivre qui en émane lui vaudra de se voir consacrer une note quand je l'aurai fini. A noter que l'image n'est pas celle de mon édition ; moi c'est dans les Penguin Popular Classics ( oui, pourquoi lire un bouquin anglais autrement qu'en VO ?!!), mais j'ai point trouvé ^_^,

Oeuvres complètes d'Adam de la Halle
Etat de lecture : en pause. Chances de le finir : bonnes sur le long terme.
J'avais acheté ce livre car je voulais lire Le Jeu de la feuillée en VO ( asçavoir en ancien français ) , et comme pour un prix moindre je pouvais avoir une intégrale... En plus c'est d'un gars du Ch'Nord ( et qui n'a rien à voir avec la lutte contre les discrimination, je précise ;-) Me manque hélas le temps de pouvoir le lire tranquillement. Peut-être pourrais-je y progresser lors de vacances moins animées que celles des fêtes de fin d'année ?

Le Dit du Genji
Etat de lecture : en cours. Chances de le finir : j'en lis un peu chaque soir, mais comme y'en a beaucoup... Je suis encore dans le premier tome de cette édition, et y'en a deux ^_^,
Pour le résumé, j'ai déjà dû vous en parler un peu dans une note ou deux ;-)

Les 120 journées de Sodome, par Sade ( mais était-il besoin de le préciser ?)
Etat de lecture : en pause faute de temps. Chances de le finir : bonnes en dépit de cela.
«Le récit le plus impur qui ait jamais été fait depuis que le monde existe» dixit son auteur. Soit, cela se défend, car c'est un beau catalogue du sadisme, qui en liste toutes les perversions. Il est inachevé, seule la trame des dernières journées existant. Une critique du livre sur amazon.fr se plaint qu'aucune histoire ne soutiendrait l'enchaînement des récits consacrés à chaque perversion. C'est cruellement injuste, car il y a même un peu plus d'histoire pour faire le liant que dans d'autres livres que je me demande bien qui oserait critiquer, tels que L'Heptaméron de Marguerite de Navarre, les Canterbury tales de Chaucer ou le Decameron de Boccace où pour tout cadre on a : des personnages se rencontrent dans une auberge, ils se racontent des histoires.
Pasolini en a tiré un fort ennuyeux film, qu'il a situé dans la république italienne de Salò. Pour ma part, sans être un grand fan de Sade ( beaucoup moins que les Surréalistes déjà), je trouve ce bouquin intéressant, mais hélas bien gâché par une coprophilie incessante qui alourdit le tout -_- ( on dirait les délires de l'essai sur le temps de Van Veen dans Ada or ardour de Nabokov, c'est dire !).

Dictionnaire érotique moderne, par Delvau
Etat de lecture: en cours. Chances de le finir : bonnes, sed festino lente.
Ah que je suis content de l'avoir celui-là !!! ^0^ Un bouquin à la fois coquin dans ses exemples, et sérieux par son exhaustivité. Ne riez pas ! Figurez-vous que c'est un ouvrage de référence, cité par le très sérieux Trésor de la langue française version CNRS à l'article «déconner» par exemple. Ca vous en bouche un co(i)n hein !

Zazie dans le métro, par Queneau
Etat de lecture : en cours. Chances de le finir : bonnes à très bonnes.
Pour les 20 ans de Folio ( ou un évènement de cette sorte) on le trouvait dans un zoli coffret, et comme je voulais finir par le lire un jour... j'en ai profité ! Dans le style il ressemble à On est toujours trop bon avec les femmes ( qui m'avait été recommandé par l'une d'elle d'ailleurs ^_^ ), c'est d'ailleurs le seul autre bouquin que j'aime bien de l'auteur, n'étant pas un grand fan des surréalistes ( on dirait que leurs oeuvres n'ont été composées que pour fournir un pléthore d'exemples aux dictionnaires de stylistique - opinion que corrobore un Gradus que je possède -_- ).
Petit souvenir lié à Queneau : celui d'une humiliation en troisième. Mon lycée devait être un Lycée Raymond Queneau, et on devait remplir une fiche où figurait le nom de son futur lycée. Nous étions en cours de français, et je n'avais aucune idée de comment pouvait bien s'écrire ce «Queneau» puisque je n'en avais jamais qu'entendu le nom et que j'étais bien moins culturé que maintenant. Devait arriver ce qui arrivait, je l'orthographiais bien salement ( «Quenaud» si ma mémoire est bonne ). Et là, plutôt que de m'informer simplement de mon erreur, empreinte d'un zèle et animée d'un talent pédagogiques sans égal, voilà que la prof de français remarque bien haut que c'était quand même lamentable que je ne sache même pas écrire correctement le nom du type dont le nom était donné au lycée où j'allais aller... Aussi, quelle idée de nommer un Lycée Queneau, je vous le demande ! Mon collège du moins était nommé d'après un grand auteur classique ! Quant à ma fac... elle n'avait pas de nom ! (ou alors elle s'appelait Machin I, et machin était plus une ville - où n'était même pas localisée la fac au passage - qu'un roi ) En fait, ce nom de lycée devait être le début de la déchéance...

La Foire aux cochons, par Esparbec ( et chez un éditeur qui sait mettre correctement les majuscules aux titres en français )
Etat de lecture : en pause faute de temps, mais appelé à être repris sous ( relativement ) peu. Chances de le finir : par conséquent bonnes à moyen terme.
Un Esparbec c'est peut-être pas un chef-d'oeuvre immortel de la littérature, mais c'est un bon moment de littérature grivoise XD Je vous recopie le résumé du bouquin qui m'a convaincu par son bon goût ^_^
Fleshtown, grosse bourgade du Kansas. Deux dangereux pervers se sont échappés du bagne. Darling est seule : tous les habitants sont partis faire la fête à la foire des éleveurs de porcs. Pendant toute une longue nuit, elle va devenir la proie des deux forcenés. Dehors, la vie continue : le shérif Prentiss enquête sur un café-billard tenu par Sam, mari complaisant qui essaie de détourner la loi... en se servant de sa femme. Sigmund-de-Pigalle, musicien bossu, visite les femmes pour leur vendre de la lingerie fine... Ainsi débute la saga de Darling, pastiche baroque de la littérature porno américaine des années soixante et galerie balzacienne de personnages plus vicieux les uns que les autres.

Poésie érotique : quinze chefs-d'oeuvre du XVIIe au XXe siècle
Etat de lecture : en pause le temps qu'il me chante de lire de l'érotique sous forme de poésie. Chances de le finir : dépendront de ma fantaisie.
Ce livre me tentait par la sélection des poèmes qu'il contenait. Et puis parmi ceux-ci il y en avait un de Pierre Louÿs, cela justifiait à soi seul l'achat de l'ouvrage. Pierre Louÿs, c'est le plus grand érotomane de tous les temps ; c'est... c'est Dieu !

Chansons des trouvères
Etat de lecture : en cours. Chances de le finir : bonnes mais pas tout de suite, je n'en lis pas beaucoup chaque soir.
Livre acheté par curiosité intellectuelle et culturelle, et pour pouvoir pratiquer un peu mon ancien français par la même occasion. L'édition est savante et les textes bien choisis et intéressants, présentant un florilège de tout ce qui se faisait à l'époque. Je vous parlerai peut-être de certains styles lors d'une note future. Seul gros reproche à l'édition : tout le monde ne sachant pas ce que sont des coblas doblas vous eussiez pu mettre un lexique à l'usage du néophyte, Messieurs les jargonneurs !

Le Man'yôshû
Etat de lecture : en cours, quelques poèmes chaque soir. Chances de le finir : aucunes avant longtemps ! Je suis dans le 5e livre sur 20 !! ^_^,
Je vous en ai déjà parlé plusieurs fois, que dire de plus sinon que c'est biau?

Pierre Mendès France, par Eric Roussel
Etat de lecture : en cours. Chances de le finir : bonnes mais pas tout de suite ; c'est le livre que je lis pendant que le pc ( pas le parti, bien que lui aussi ) rame...
Le cheval qu'on n'attelle pas, une figure mythique de la politique française ; une des seules que j'admire avec Mitterrand et de Gaulle ( après faut remonter à Talleyrand si j'en oublie pas ;-). Tout en la trouvant bien faite, j'éprouve un zeste de méfiance vis-à-vis de cette biographie, car elle me semble un peu plus admirative que neutre, et j'aime me faire mon opinion par moi-même plutôt que de subir celle des autres, fut-elle identique ;-) Je l'admire pour sa droiture et sa gestion de la décolonisation. Il est dommage que son refus du compromis ait nuit à sa carrière politique ( il faut savoir se contorsionner ; reliser Les Mains sales de Sartre et une bonne biographie - si vous en trouvez une non odieusement partisanne, dans les deux sens merci !- de Mitterrand ;-)

Oeuvres érotique de Baffo
Etat de lecture : en pause car j'attends de m'en trouver une version originale en vénitien/italien, ou alors celle en français illustrée par Hugo Pratt ;-) Chances de le finir : manifestement aucune dans l'immédiat. Mais je ne désespère pas...
Baffo, ça n'y va pas avec le dos de la cuillère ! C'est du propre, du leste, du Baffo ! XD Extrait :
A la même femme
Viens çà vite, bougresse de truie
Et donne un brin de jouissance à ce mien vit ;
Laisse t'aller dans le cul ce pauvre diable,
Qui ne pense déjà plus qu'à la moniche.
- Comment dites-vous, Signor ? Je suis une femme
Qui ne se laisse pas faire telle vilenie ;
Il me semble que ce langage est de l'argot,
Les honnêtes gens ne parlent pas de la sorte.
Oh ! quel cochon ! oh! quel maudit filou !
- Tu ne le veux pas en cul ? Eh bien ! moi,
Que je sois un foutu cornard si je ne te l'y mets !
Allons, flanque-toi sur ce lit,
Je veux t'enculer. - Oh ! Dieu, assez !
- Tiens, vache ! Il y est, malgré toi.
Pardon, mais des fois il faut déclamer les choses crûment o^_^o

Tendre comme le souvenir, d'Apollinaire
Etat de lecture : en pause. Ce livre m'a été offert par ma grand-mère, un an avant qu'elle meure. Comme c'est une édition ancienne, et qu'Apollinaire est parfois un peu... elle est censurée. Donc pour poursuivre ma lecture j'attends de me trouver une édition contenant le reste. Mais ensuite je continuerai dans ce premier livre... Chances de le finir : certaines à terme.
Ce livre est beaucoup beaucoup moins connu que les Alcools ou les Poèmes à Lou, et même vous ne le croiserez pour ainsi dire jamais en librairie, alors qu'il en existe des éditions contemporaines. Et pourtant il est très beau et vaut d'être lu. C'est la correspondance côté Apollinaire qu'il a mené avec une jeune femme rencontrée une fois dans un train, alors qu'elle parait retrouver sa famille dans les colonies d'Afrique. Je me demande si les réponses de la jeune fille au poète ont été conservée... Dieu ! que j'aimerai pouvoir les lire aussi ! Ah ! tout ce qui a existé et qui s'est perdu...

Le Moyen de parvenir, de Béroalde de Verville
Etat de lecture : en cours, les soirs où j'ai du temps ( donc pas des masses en Décembre ^_^, ). Chances de le finir : bonnes mais pas dans l'immédiat parce que c'était écrit dans un français du XVIIe siècle bien foutraque.
C'est du Rabelais en moins subtil ! Mais ça fait toujours plaisir ! Y'a de l'égrillard, y'a du grossier, y'a du culturé, y'a du dialecte de tout sorte, ça fuse, c'est bien fendard ! Certains amis ont eu à en subir des extraits... Désolé les gars ! Ca vous servira ( pas ^_^, ) pour une épreuve de culture G !

Elric of Melniboné, par Moorcock
Etat de lecture : en pause, je suis pas tenté par la fantasy en ce moment... Chances de le finir : bonnes malgré tout parce qu'il m'en reste plus beaucoup et que ça se lira vite un fois que je m'y remettrai.
C'est en fait une compilation de plusieurs livres/nouvelles constituant un premier pan des aventures d'Elric, dernier Empereur de Melniboné, qui ravagea son royaume et tua son unique amour. Certes comme dans toute bonne histoire de fantasy le héros fritte du monstre et tâte du gros nibard, mais il est aussi fondamentalement désespéré et ça, ça change un peu ( et ça fait plaisir, mais vous l'aurez deviné ;-)
Scènes d'Eté, de Kafû
Etat de lecture : en cours. Chances de le finir : très bonnes.
Aaah Kafû... Je vous en avait déjà parlé à propos de sa Sumida. Mais il a aussi écrit des érotiques ( dans une approche assez occidentalisée d'ailleurs, ce qui est intéressant pour un auteur attristé par l'occidentalisation du Japon...). Celui-ci est pour le moment relativement soft, mais cela lui confère par contraste un érotisme saisissant. Finalement il me console d'Odor di femina puis qu'ici aussi l'olfaction est un peu présente, et aussi le toucher, qu'on ne croise pas souvent pour décrire autre chose que le contact avec les seins ou les fesses dans la littérature érotique...

Le Tiers-livre, de Rabelais
Etat de lecture : en pause au profit de Béroalde de Verville. Chances de le finir : bonnes néanmoins parce qu'un jour j'aurai lu tout Rabelais ( dans le texte SVP).
Dois-je vraiment vous présenter l'auteur ?!! Quant au livre en lui-même, si l'on y retrouve Panurge, puisqu'il va y chercher femme, on sort un peu de sentiers battus des Gargantua et Pantagruel que tout le monde connait peu ou prou, pour s'aventurer dans la suite de l'oeuvre que moins déjà ont eu l'occasion de lire...

The Monster and the critics, par Tolkien
Etat de lecture : en pause, c'est chiant. Chances de le finir : aucune idée pour le coup.
J'avais à la base acheté ce livre ( que je me demande si aucun fan du Seigneur des anneaux, même parmi les plus atteints, connais - a fortiori depuis la sortie des films ) pour le texte où Tolkien parlait de certaines langues qu'il avait inventé, j'aurai d'ailleurs l'occasion de vous en reparler dans une prochaine note. Le reste du bouquin est constitué de divers discours et articles à propos du Beowulf ( c'est le «monster» dont il est question) et du Sir Gawain and the Green Knight ( dont je possède une édition bilingue ancien anglais-américain ^0^ ), Tolkien ayant réalisé l'édition qui fait autorité quant à ce dernier. Hé oui ! Combien parmi vous connaissait l'universitaire Tolkien ? ;-p Enfin bref, c'est intellectuement intéressant, mais littérairement chiant, mais chiant... Enfin, je surmonterai bien ça un jour, un jour lointain sans doute...

Au-delà de la philosophie universitaire, par Schopenhauer
Etat de lecture : en cours, mais lentement because not so much time for it. Chances de le finir : certaines à terme.
Pour un résumé et une apréciation du propos, rendez-vous une fois que j'aurai fini le livre ;-) En attendant vous pouvez aller vous amuser avec le commentaire le moins flatteur du livre sur amazon ;-) Là où j'en suis, c'est une critique pas stupide de l'université «ancienne école», mais dans laquelle l'auteur ne s'incluera pas vraiment je suppose ;-)
Conclusion
Pfiou !!! Ca c'était de la note ! J'espère que j'y ai pas commis trop de fautes parce que je n'ai franchement pas la force de la relire ^_^, Oui je sais, c'est mal ! Mais vous n'avez qu'à me les signalez et vous faire plaisir sinon ;-p
En guise de conclusion je remercie les scribes qui nous ont conservé les rares fragments de Sapphô et ma mère pour son mécénat en matière de livres, et je maudis XP pour ses bugs innombrables, Norton pour sa consommation dantesque de mémoire, et aussi Blogger pour ses mises en page automatiques erratiques ! J'ai réussi à finir malgré vous !!!
dimanche 30 décembre 2007
Back on the yellow brick r... non, oubliez !

Quant au reste, use de mots purement français, non toutefois trop communs, non point aussi trop inusités, si tu ne voulais quelquefois usurper, et quasi comme enchâsser ainsi qu'une pierre précieuse et rare, quelques mots antiques en ton poème, à l'exemple de Virgile, qui a usé de ce mot olli pour illi, aulai pour aulae, et autres. Pour ce faire, te faudrait voir tous ces vieux romans et poètes français, où tu trouveras un ajourner pour faire jour, que les praticiens se sont fait propre ; anuyter pour faire nuit ; assener pour frapper où on visait, et proprement d'un coup de main ; isnel pour léger, et mille autres bons mots, que nous avons perdus par notre négligence. Ne doute point que le modéré usage de tels vocables ne donne grande majesté tant au vers, comme à la prose : ainsi que font les reliques des saints aux croix, et autres sacrés joyaux dédiés au temple.
Puisqu'ajourner et assener nous sont restés, pourquoi pas isnel ?!! Hein hein ?!!
vendredi 28 décembre 2007
Platon n'incite pas forcément au platonique

La Toilette de Cythère, par Félicien Rops
Ce soir nous revenons à Hugo, pour apprécier un de ses petits poèmes légers tiré des Chansons des rues et des bois. Il va nous montrer que d'austères lectures n'induisent pas forcément à l'austérité ;-)
A ce propos, l'expression «amour platonique» nous vient du Banquet de... non, pas Xénophon, mais Platon ! Le thème global du dialogue y est l'amour, dont la vision socratique, hum ! pardon : platonique de l'amour est dite par Socrate... et illustrée par Alcibiade qui nous raconte comment après avoir croyait-il chauffé à blanc Socrate en fut Gros-Jean comme devant. Je vous livre en amuse-gueule sa conclusion de cette histoire :
Après ces propos, je le crus atteint par le trait que je lui avais lancé. Sans lui laisser le loisir d’ajouter une parole, je me lève, enveloppé de ce manteau que vous me voyez, car c'était en hiver, je m’étends sous la vieille capote de cet homme-là, et, jetant mes bras autour de ce divin et merveilleux personnage, je passai près de lui la nuit tout entière. Sur tout cela, Socrate, je crois que tu ne me démentiras pas. Eh bien ! après de telles avances, il est resté insensible, il n'a eu que du dédain et que du mépris pour ma beauté, et n'a fait que lui insulter ; et pourtant je la croyais de quelque prix, ô mes amis. Oui, soyez juges de l’insolence de Socrate : j'en atteste les dieux et les déesses, je me levai d’auprès de lui tel que je serais sorti du lit de mon père ou de mon frère aîné.
Au sujet de cette anecdote, il me semble que d'après Diogène Laërce c'était Diogène le Cynique qui s'en gaussait ( je n'ai pas mon édition sous la main pour contrôler mon attribution) en disant à raison que si Socrate n'avait pas envie d'Alcibiade il n'avait pas eu grand mérite à résister à ses avances, et que s'il en avait envie, il était bien stupide de leur avoir résisté... Mais trève d'hellénisme, volons vers notre papy Hugo et son poème :
Interruption à une lecture de Platon
Je lisais Platon. – J'ouvris
La porte de ma retraite,
Et j'aperçus Lycoris
C'est-à-dire Turlurette.
Je n'avais pas dit encor
Un seul mot à cette belle.
Sous un vague plafond d'or
Mes rêves battaient de l'aile.
La belle, en jupon gris-clair,
Montait l'escalier sonore ;
Ses frais yeux bleus avaient l'air
De revenir de l'aurore.
Elle chantait un couplet
D'une chanson de la rue
Qui dans sa bouche semblait
Une lumière apparue.
Son front éclipsa Platon.
O front céleste et frivole !
Un ruban sous son menton
Rattachait son auréole.
Elle avait l'accent qui plaît,
Un foulard pour cachemire,
Dans sa main son pot au lait,
Des flammes dans son sourire.
Et je lui dis (le Phédon
Donne tant de hardiesse !) :
- Mademoiselle, pardon,
Ne seriez-vous pas déesse ?
14 août 1859
Appréciez en sus du caractère gentiment ironique vis-à-vis des classiques grecs du dernier vers le frais mélange entre la haute culture antique à laquelle renvoient Platon, le Phédon et Lycoris, et la fraîcheur du monde quotidien incarnée par une turlurette chantant un couplet d'une chanson à la mode.
Le Phédon est un très beau dialogue de Platon qui relate les derniers instants de Socrate et discours de l'âme et du corps. L'Apologie de Socrate et le Criton le rejoignent quant aux évènements auxquels ils se relient. Eux aussi sont très beaux et valent d'être lus. Ce sont peut-être les dialogues de Platon parmi les plus immédiatement accessibles et les plus intéressants avec, justement, Le Banquet.
Pour identifier Lycoris, je vous renvoie à deux pages qui furent mes sources et qui détaillent bien les choses : ici et là. Cette coquine de Lycoris n'ayant pas eu pour amant la lie de Rome, Hugo ne se méprise pas exagérément en tentant de draguer celle-là ! ( mais quand on est Hugo, on peut ! ;-) Le contraste avec une turlurette, c'est-à-dire une grisette, c'est-à-dire une jeune ouvrière se laissant facilement courtiser, est à la fois joli et pas tout à fait un, puisque notre mime Lycoris était aussi nommée Cytheris, nom qui évoque Cythère, île de Vénus et je vous laisse en imaginer les implications, et justifie le choix de l'image de cette note ;-)
Puisque l'on parle de Vénus, concluons de façon légèrement grivoise, en notant que le mot poétique ( si si !) de «cyprine» employé pour désigner la lubrification vaginale suscitée par d'amoureux transports ( ou quelqu'activité solitaire ;-p provient du nom Cypris donné à Vénus, celle-ci possédant un temple à Chypre, île près de laquelle elle serait née. ^_^
jeudi 27 décembre 2007
De arte amavi

L'origine de cette note se trouve dans un des cadeaux intellectuellement avouables reçus par votre serviteur pour son Noël, asçavoir une édition bilingue latin-italien de l'Ars amavi de ce cher Ovide ^_^ Le censeur ne l'avait peut-être pas prévu ( ou avait bien voulu ne pas le prévoir ;-) : certains passages à l'apparence innocente avaient fait l'objet d'une étude éclairée dans mon cours de latin quand j'étais en 3e. Ce ne fut d'ailleurs pas le cas de L'Âne d'or d'Apulée, aussi étudié en 3e, dont je découvris bien plus tard à ma grande surprise et à ma plus grande encore joie la version complète ! ^0^ Je vous rassure tout de suite, braves militants de Familles de France, rien de bien cochon ( quoique, pour vous...) dans L'Art d'aimer, ce n'est pas le Satyricon, mais... un peu de coquinerie ^_^ Mon latin étant si tristement rouillé ( et les agapes de fin d'année laissant peu de temps à l'étude salvatrice de ses restes), je vous proposerai une traduction de l'italien traduisant le latin T_T Le premier extrait sera un de ceux étudiés lors de ma 3e, en hommage... Il s'agit du LIvre I, vers 149 à 162 :
Utque fit, in gremium puluis si forte puellae
Deciderit, digitis excutiendus erit:
Etsi nullus erit puluis, tamen excute nullum:
Quaelibet officio causa sit apta tuo.
Pallia si terra nimium demissa iacebunt,
Collige, et inmunda sedulus effer humo;
Protinus, officii pretium, patiente puella
Contingent oculis crura uidenda tuis.
Respice praeterea, post uos quicumque sedebit,
Ne premat opposito mollia terga genu.
Parua leues capiunt animos: fuit utile multis
Puluinum facili composuisse manu.
Profuit et tenui uentos mouisse tabella,
Et caua sub tenerum scamna dedisse pedem.
Traduction : et si par hasard, comme cela arrive, se pose un grain de poussière sur la poitrine de la belle, cueille vite de tes doigts ce grain-là ; et s'il n'y a nul grain de poussière, ôte toujours ce rien-là [ finalement, je vais traduire un peu du latin à la volée ;-) ]. Montre-lui toujours comme tu es attentionné. Si le pan de sa robe traîne à terre, empresse-toi de te pencher pour le soulever, qu'il ne se salisse. Tu pourras alors en compensation jeter un oeil sur ses jambes sans qu'elle proteste. Veuille à ce qu'aucun spectateur assis derrière elle ne presse de ses genoux sur ses épaules [ enlace-la, mon coquinou !]. Un rien suffit pour conquérir ces esprits légers : ainsi il a profité à beaucoup de disposer d'une main agile un coussin sous elle [ pour son confort et lui toucher les... ], de lui prodiguer un peu de fraîcheur en l'éventant, ou de placer un tabouret sous ses pieds délicats [ car les gradins étaient hauts, et ça permet plein de petites privautés XD].
Haaa Ovide ! Quel maître de l'érotisme ! Il faut lire son histoire de Pygmalion dans Les Métamorphoses. Mon grand regret fut de ne pas passer sur ce texte sublime à l'oral de latin du Bac T_T
Comme deuxième passage, je vous propose les vers finaux ( ou peu s'en faut) du LIvre II ( vers 741 à 744) et pour être égalitaire comme l'auteur originel entre les deux sexes, les vers 809 à 812 du Livre III, délivrant aux femmes un enseignement de l'art d'aimer pour elles. Ces histoires de trophées me font imaginer de façon terrible quelque Apollon ou quelque Vénus sur un monticule de corps de femmes ou d'hommes énamouré(e)s, gémissant d'adoration pour leur vainqueur ;-p
Arma dedi uobis: dederat Vulcanus Achilli;
Vincite muneribus, uicit ut ille, datis.
Sed quicumque meo superarit Amazona ferro,
Inscribat spoliis : Naso magister erat.
Traduction : Je vous ai donné des armes ; comme Vulcain en donna à Achille. Vainquez avec les miennes comme lui-même vainquit. Et que tout amant qui aura triomphé d'une Amazone au moyen de mon glaive inscrive sur ses trophées : «Ovide fut mon maître.»
Lusus habet finem: cygnis descendere tempus,
Duxerunt collo qui iuga nostra suo.
Ut quondam iuuenes, ita nunc, mea turba, puellae
Inscribant spoliis : Naso magister erat.
Traduction : J'ai terminé mon badinage ; il est temps de dételler les deux cygnes blancs qui tirèrent mon char [ le char de Vénus était tiré par deux cygnes blancs, chose que vous pouvez constater le Vendredi sur l'horloge astronomique de la Cathédrale de Strasbourg -oui c'est de la pub éhontée !]. Et vous, jeunes femmes, mes élèves, faites comme les jeunes gens, et inscrivez sur vos trophées : «Ovide fut mon maître.»
En guise de conclusion de cette note, je vous signale ici l'existence d'un juste combat mené en la lointaine Suède ! ;-p ( et j'aime bien l'illustration de l'article ;-p
dimanche 23 décembre 2007
Harsh words were said, and lies were told instead

Est-il besoin de résumer l'histoire ?! Sans doute, pour ceux qui n'auraient vu que le téléfilm avec Depardieu... -_- Le Comte de Monte-Cristo s'ouvre sur la naïveté, celle de l'amour d'Edmond Dantès pour Mercédès et de son amitié pour
Fernand, Danglars et Caderousse, et sur comment la convoitise de ces derniers brisent sa vie au moment où elle confine au bonheur. Les actes de ces derniers, inspirés par la jalousie pour Danglars, par l'envie pour Caderousse, et par l'amour non partagé de Mercédès pour Fernand, conduiront le pauvre Dantès à croupir dans les geôles du Château d'If. A ces trois là, ce seront ajouté les pas du substitut du procureur du roi Villefrot sur la vie de Dantès.
Vient ensuite la période de son emprisonnement, où Dantès sombre peu à peu dans la déchéance physique et morale. Puis, la délivrance, sous la forme de la survenue de l'abbée Faria dans sa cellule, alors que celui-ci cherchait à creuser un tunnel pour s'échapper. Ce sera alors pour Dantès un retour vers l'humanité, par les sentiments humains, ravivés par son contact avec l'abbé, et vers l'intelligence humaine, grâce aux bienfaits des enseignements de l'abbé dans les divers domaines d ela connaissance. Ce seront ensuite les projets d'évasion à deux, et la révélation à Dantès du secret du trésor de l'île de Montecristo, puis la mort de l'abbé, et la fameuse scène de l'évasion de Dantès, où celui-ci ayant pris la place du corps de l'abbé dans le sac l'emballant, il sera jeté dans la mer du haut des murailles du château, les piefs lestés d'un boulet de fonte.
Pourra alors commencer la vengeance de Dantès, devenu le comte de Monte-Cristo grâce au trésor de l'île. Caderousse, qui avait déjà sombré dans la pauvreté, finit assassiné, bien que le comte lui eut laissé une chance. Danglars devenu riche banquier, finira ruiné et seul, après que le compte eut manipulé les cours de la Bourse ; en dépit de cela, il sera le seul finalement un peu épargné par le comte. Fernand, devenu un puissant militaire, sera acculé au suicide suite à la révélation de ses forfaitures dans la carrière. Villefort, enfin, finira fou, après que sa femme devenue empoisonneuse se suicide avec son fils ( je vous abandonne quelques détails pour quez vous lisiez le livre si ce n'est déjà fait ;-p
Sa vengeance accomplie le comte disparaîtra comme il est venu, partant vers l'Orient sur son bateau avec Haydée, la jeune esclave qu'il avait rachetée ( et que vous voyez à ses côtés sur l'image illustrant cette note ;-) Pour conclure ce résumé, il y a des «quêtes parallèles» impliquant les enfants des divers couples auxquels appartiennent les objets de la vengeance du comte, bien que je ne vous en ai pas parlé ici. Elles sont inexistantes ou presque ce me semble dans le téléfilm avec «Depardiou», mais apparaissent un peu dans l'adaption en animé Gankutsuoh.
A entendre parler deci-delà du Comte de Monte-Cristo ( par exemple dans un sujet du récent Théma Arte sur Alexandre Dumas), il semblerait que ce soit l'histoire du trésor de l'île de Montecristo qui fascine dans cette histoire. Mais à titre perqsonnel, ce qui me plaît, c'est la vengeance. A ce point de vue, une de mes phrases préférée du bouquin est la suivante : Maintenant que ce trésor, qui avait été si longtemps l’objet des méditations de l’abbé, pouvait assurer le bonheur à venir de celui que Faria aimait véritablement comme son fils, il avait encore doublé de valeur à ses yeux ; tous les jours il s’appesantissait sur la quotité de ce trésor, expliquant à Dantès tout ce qu’avec treize ou quatorze millions de fortune un homme dans nos temps modernes pouvait faire de bien à ses amis ; et alors le visage de Dantès se rembrunissait, car le serment de vengeance qu’il avait fait se représentait à sa pensée, et il songeait lui, combien dans nos temps modernes aussi un homme avec treize ou quatorze millions de fortune pouvait faire de mal à ses ennemis. XD
Je trouve d'ailleurs que la vengeance du comte est plutôt gâchée par sa magnanimité finale pour Danglars. Le roman étant paru en feuilleton sur un an et demie je subodore, à tort peut-être, l'influence de retours des lecteurs sur l'évolution du roman. On part en effet d'un Dantès jurant de se substituer à Dieu pour se venger, puisque ledit Dieu ne lui a pas rendu justice des crimes des hommes, pour se rapprocher de plus en plus d'un Monte-Cristo «born again» qui aspire de plus en plus à retourner dans le giron de notre mère l'Eglise ou que sais-je encore... Et c'est pourquoi il épargne Danglars. Alors on pourrait bien sûr supposer que c'est une évolution psychologique naturelle du personnage, finalement horrifié par l'ampleur des conséquences de sa vengeance déjà exercée ( vous trouverez d'ailleurs beaucoup d'analyses de cette sorte sur le net), mais l'objection à cela est que les interrogations religieuses du héros arrivent vraiment comme un cheveu sur la soupe et de façon tout à fait controuvée ; lisez, relisez, chaque état pyschologique des personnages est soigneusement amené et éclairé, sauf celui dont je viens de vous parler...
Un autre aspect plaisant de la vengeance du comte, en plus de voir comment celle-ci est patiemment tissée, et son ampleur. Fondamentalement Mercédès elle-même est d'autant moins épargnée que le comte lui en veut ( à tort ou à raison, on peut en discuter) de l'avoir trahi en l'oubliant et en épousant Fernand. Et elle aurait dû être d'autant moins épargnée que la vengeance contre Fernand prévoyait de lui tuer son fils chéri en duel, atteignant ses parents à travers celui-ci. Mais Albert de Morcerf sera finalement sauf, car après que Mercédès lui ait révélé les raisons de la haine du comte la nuit précédant le duel Albert s'humiliera comme une merde en présentant ses excuses au comte lors d'une des meilleurs scènes du roman.
D'autres parmi mes scènes préférées sont celle où Edmond promet de rester au côtés de l'abbée Faria jusqu'à sa mort ou son rétablissement après qu'un mal l'ai laissé à demi paralysé, cette scène lors d'une réception du comte chez les Morcerf où Mercédès qui a reconnu Edmond en lui veut lui fairer accepter quelque nourriture que celui-ci refusera imperturbablement, et la «scène finale» en ce qui concerne Villefort. Ah, et il y a aussi l'histoire de ce rêve de l'abbé d'une Italie unie ( rêve totalement absurde pour l'époque du point de vue historique ;-) , et cette scène où au Château d'If, le comte retrouve le manuscript du grand livre de l'abbé ( vous ai-je dit que 'jaimais les livres et que j'étais un sale jacobin pro-décentralisation ;-) .
A propos d'ailleurs, il est inétressant de noter que ceux que la vengeance atteint le plus durement sont peut-être ceux dont les motifs du forfait sont peut-être les moins immoraux. En effet, avant de devenir chacun de méchants hommes qui auront fait de meschantes choses, Fernand et Villefort perdent Dantès l'un par amour en vers Mercédès, l'autre par piété filiale envers son père ( et carriérisme, mais l'un n'empêche pas l'autre ;-). Alors que c'est l'envie et la convoitise qui guident Caderousse et Danglars...
Il est aussi amusant de noter les points que le téléfilm avec Depardieu a soigneusement omis : la consommation par le comte de substances psychotropes, ses relations avec Haydée, le lesbianisme ( traité avec subtilité dans le livre mdr) de la fille de Danglars, etc... And last but not least, Edmond ne hait pas Mercédès mais finit le téléfilm en se remattant à la colle avec elle !!!
L'animé quant à lui se focalise moins sur le comte que sur le fils Morcerf, pour permettre l'identification du puiblic sans doute ;-) Et s'il n'est pas de lesbienne dans celui-ci, croyez-moi, il n'en est pas moins gay pour autant ! Cet animé est d'ailleurs fort sympathique, et il est bien préféré au vil téléfilm, nonobstant les libertés que lui-même prend avec l'histoire d'origine. Petit plaisir, les annonces de l'épisode suivant sont faites en français ( avec un accent XD ) d'une voix virile et grave par le comte himself ; «souffle mon ami... ».
Les choix graphiques de l'animé sont excessivement intéressants ! Bon, il y a ces scènes d'images de synthèse désormais obligatoires dans les animés à thème «futuriste» et dont il m'est avis qu'elles s'insérent moyennement bien et absolument pas discrètement dans l'ensemble, mais sinon, l'idée trouvée pour cet animé est vraiment bonne. Pour essayer de vous en donner une idée, les cheveux et les habits des personnages sont constitués par des motifs très riches et très travaillés qui ne bougent pas quand le personnage lui se meut ; c'est en quelque sorte l'effet que donnerait un pochoir que l'on déplacerait sur un papier-peint ou un papier-cadeau, si vous voyez ce que je veux dire. Sinon, je suis sûr que youtube saura palier à vontre lamentable manque d'imagination et au triste échec de ma tentative d'explication. Enfin, toujours est-il que l'effet est vraiment très beau.
Maintenant que j'ai dit l'essentiel de ce que je voulais dire et un peu n'importe comment, il est temps de conclure aburptement cette note à l'instar de toutes celles du même genre qui l'ont précédée. Un jour ou l'autre, je me contraindrait à rédiger une de ces conclusion de note bien vides que l'on ne met que pour qu'elles y soient. En attendant, you won't see me comin', till I strike ! XD
lundi 17 décembre 2007
Le romantisme et la vie

Pour ce que j'en ai lu, ce poème opposerait pour Hugo le soi qui désespère au soi qui croit et espère. Mais pour moi, il illustre une opposition entre l'imagination ( les aspirations romantiques si vous voulez) qui magnifie, et la réalité immuables des faits. Si on veut se gâcher le poème, on peut d'ailleurs trouver que de ce point de vue il pontifie quelque peu. Mais attendons la fin de la note pour cela ( il est un temps pour tout et c'est seulement post blogum qu'animal triste).
A quoi songeaient les deux cavaliers dans la forêt
La nuit était fort noire et la forêt très sombre.
Hermann à mes côtés me paraissait une ombre.
Nos chevaux galopaient. A la garde de Dieu !
Les nuages du ciel ressemblaient à des marbres.
Les étoiles volaient dans les branches des arbres
Comme un essaim d'oiseaux de feu.
Je suis plein de regrets. Brisé par la souffrance,
L'esprit profond d'Hermann est vide d'espérance.
Je suis plein de regrets. O mes amours, dormez !
Or, tout en traversant ces solitudes vertes,
Hermann me dit : «Je songe aux tombes entr'ouvertes !»
Et je lui dis : «Je pense aux tombeaux refermés !»
Lui regarde en avant : je regarde en arrière,
Nos chevaux galopaient à travers la clairière ;
Le vent nous apportait de lointains angelus;
Il dit : «Je songe à ceux que l'existence afflige,
A ceux qui sont, à ceux qui vivent. - Moi, lui dis-je,
Je pense à ceux qui ne sont plus !»
Les fontaines chantaient. Que disaient les fontaines ?
Les chênes murmuraient. Que murmuraient les chênes ?
Les buissons chuchotaient comme d'anciens amis.
Hermann me dit : « Jamais les vivants ne sommeillent.
En ce moment, des yeux pleurent, d'autres yeux veillent.»
Et je lui dis : « Hélas! d'autres sont endormis !»
Hermann reprit alors : «Le malheur, c'est la vie.
Les morts ne souffrent plus. Ils sont heureux ! j'envie
Leur fosse où l'herbe pousse, où s'effeuillent les bois.
Car la nuit les caresse avec ses douces flammes ;
Car le ciel rayonnant calme toutes les âmes
Dans tous les tombeaux à la fois !»
Et je lui dis : «Tais-toi ! respect au noir mystère !
Les morts gisent couchés sous nos pieds dans la terre.
Les morts, ce sont les coeurs qui t'aimaient autrefois !
C'est ton ange expiré ! c'est ton père et ta mère !
Ne les attristons point par l'ironie amère.
Comme à travers un rêve ils entendent nos voix.»
Dans les Contemplations les bois sont souvent sombres et profonds, avec des significations certes différentes selon le contexte ; je vous parlerai d'une autre à l'occasion.
Regardons un peu comme dans chacune des premières strophes et entre les deux dernières s'opposent d'une part un romantisme songeur mais qui regarde vers l'avenir, d'autre part un triste réalisme qui ne voit que le passé ; et espère en Dieu ( oui, je sais, je venais de parler de réalisme...).
La première strophe pose encore les choses. Le décor est résolument romantique : il fait nuit noire, nous sommes dans des bois profonds en compagnie de deux cavaliers qui chevauchent à bride abattue, dans le ciel des nuages qu'éclaire la Lune, et des étoiles qui brûlent. Dans l'imagerie romantique il est souvent des cavaliers qui chevauchent à travers la tempête ou au loin. Mais généralement ils sont seuls. Hermann serait-il donc effectivement un double hugolien ? Notons aussi la mention de Dieu, même si ce n'est qu'au travers d'une expression toute faite, je vous le concède.
A début de la strophe suivante, admirez-moi comme la première phrase se termine à l'hémistiche, quelle force cela lui donne. Regardez comment le début de cette strophe clôt la précédente. Je suis plein de regrets. Et il n'est rien à ajouter. Aussi la suite du vers et le suivant sont-ils consacrés aux pensers d'Hermann. Puis, Hugo répète le seul sien : je suis plein de regrets. Mais cette fois il complète, et l'on sent bien que ces amours-là ne dorment pas d'un sommeil dont on se réveille. Et la suite de la strophe nous le précise bien, puisque les deux voyageurs pensent au tombeau. Mais là où Hermann pense à ceux qui (l') accueilleront bientôt, Hugo, lui, pense à ceux qui accueillirent ses êtres chers ( et pas seulement Léopoldine, l'ange expiré désignant un autre enfant mort à 3 mois d'après les notes de mon édition).
Cette opposition entre le passé et l'avenir, nous la voyons reprise au premier vers de la strophe suivante, et prolongée le long de celle-ci. Notez l'opposition entre l'envolée d'Hermann, et la simple phrase de Hugo. Notez aussi la présence de l'angélus dans le lointain qui, tout en consistutant un élément ramenant à Dieu, renforce l'idée de solitude - nous sommes loin de toute autre présence humaine, puisque ces angélus sont lointains - et vient préciser l'heure, 18h00, et par là-même la saison - l'Automne ou l'Hiver - puisqu'il faut qu'il fasse déjà nuit pour qu'on voie les étoiles.
Les vers qui ouvrent la strophe suivante sont beaux. Par deux fois c'est la nature qui parle, mais par deux fois le narrateur est sourd à son langage. Admirez comment cela est évoqué : phrase déclarative : la nature parle, césure à l'hémistiche, phrase interrogative : mais qu'a-t-elle dit ? Ensuite de nouveau l'opposition entre Hermann tourné vers la vie, et Hugo tourné vers la mort. En parlant de mort, remarquez que par deux fois maintenant Hugo a parlé de sommeil plutôt que de mort.
Enfin, les deux dernières strophe opposent le romantisme désespéré de Hermann à l'espoir pieux de Hugo, avec une strophe pour chacun. Dans la première, le ciel rayonnant invite à penser que nous sommes bien un soir de Lune ( Lune qui a invité cette invitation ;-) , les douces flammes sont les étoiles de la première strophe. Puisque les bois s'effeuillent, c'est donc finalement que nous sommes en Automne ( et en effet, le poème porte la mention d'Octobre 1853 ). Dans la dernière strophe, où Hugo parle, c'est encore l'idée du sommeil qui est mêlée à celle de la mort, puisque c'est comme à travers un rêve que les morts entendent nos voix.
C'est sur ces paroles que je vais moi-même aller dormir, rêver peut-être...