dimanche 9 décembre 2007

L'Humaniste de Mots Tordus

De nos jours, il est à la mode de commettre des néologismes infâmes ( celui qui me dit «sociétal» je le frappe, vous êtes prévenus), ou alors de ne même pas se donner cette peine ( celui qui me reparle de «process d'entreprise» je le moleste avec un saucisson sec jusqu'à ce que mort s'en suive). Parmi les académiciens et autres écrivaillons, il est aussi mode de proposer sa réforme de l'orthographe ( ce qui n'empêche pas de laisser passer un «ne» qui se voulait explétif mais introduisait en fait une négation malvenue dans le Projet de Traité constitutionnel Européen), parce que comprenez vous le français est trop compliqué ( ! ) et illogique.
L'auteur de ce blog s'est donc demandé pourquoi ne pas entrer à son tour dans l'arène ? Mais, en bon humaniste décadent, pas pour néologiser sans vergoigne ( oups, cette orthographe arrive trop tôt ;-p ) ou simplifier les choses, mais pour réintroduire d'anciens mots sortis de l'usage et pour compliquer l'orthographe ! Et puisque pour ce faire il est bon de se placer sous la protection d'un prince, et qu'il n'est plus trop de Médicis régnant, votre serviteur demande protection et licence royale au Prince de Mots Tordus.
Je vais donc commencer par vous proposer quelques mots que, pareils aux ours dans les Pyrénées, je propose de réintroduire dans la langue courante. Après vous les avoir présentés, avec leur définition et un exemple d'emploi, je reviendrai à nouveau sur eux pour vous les situer dans l'histoire de la langue, et vous fournir un exemple de leur époque originelle. Ensuite, il sera temps de parler de réforme de l'orthographe ( ou de contre-réforme de celle-ci).

Des nouveaux mots :

Isnel : rapide, agile, léger, prompt. C'est un coureur isnel. Fais-moi ça isnel.

Losangier : tromper par flatterie et bonnes paroles. Putain ! Comment il la losenge là !

Porgésir : 1. coucher avec 2. abuser de, violer. 1. Madame qu'est-ce que t'es bonne ! Tu veux pas me porgésir ? ( merci à Koxie pour l'idée ;-p 2. Ils tuaient les paysans et porgisaient les femmes ( oui, ce qu'il y a de bien avec le viol, c'est qu'on peut transposer les exemples d'une époque à l'autre juste en adaptant la grammaire ;-). Cf. infra pour la conjugaison.

Porpisser : se pisser dessus (de peur ou non). Hé ! Machin i s'est porpissé !

Pormerder : 1. se chier dessus. 2. merder (qchose). 1. Hé! Tu t'es pormerdé ! 2. Je voulais faire une tarte, mais je l'ai complètement pormerdée.

Détalenter : démotiver au point de rendre incapable de quoi que ce soit. ( Sera) souvent employé à propos de l'échec scolaire. Ces élèves en échec scolaire, complètement détalentés par des formes d'enseignement qui leur sont totalement inadaptées.

Ester : se tenir debout, se tenir (là). Este-là un intant que je voie si ça te va. Ester en justice ( seulement à l'inf.) soutenir une action en justice. Pour la conjugaison, je vous propose une conjugaison classique de verbe du 1er groupe, type aimer , en prononçant le s - en particulier à l'imparfait -.

Les sources de ces mots :

Isnel : même sens. Du germanique snell, rapide, qui a donné l'allemand schnell. Première occurrence dans La Chanson de Roland. Soit fait cist brief o main isnel, que ceci soit fait instamment ou très vite ( Tristan, I, 2605).

Losangier : verbe tiré de los, louange, qui provient du latin laus, laudis, louange. Le verbe de l'époque avait deux sens : 1. flatter, parler gentiment 2. tromper. Ce mot est sans rapport avec le losange, dont il est d'ailleurs amusant de constater que l'étymologie n'est pas certaine. 1. Eve dist tant et losangait c'Adans apres li en menjait ( Dolopathos (1210) ), Eve parla beaucoup et flattait si bien qu'Adam en mangea après elle. 2. Par losengier les cuida rabonnir ( Vie de Sainte Agnès, 611), il pensa les calmer en les enbobinant.

Les mots qui suivent se forment avec adjonction du préfixe por- issu du latin pro- avec métathèse sous l'influence de per-. Il peut indiquer un aspect de totalité ; d'accomplissement ou d'achèvement ; ou l'idée de but.

Porgésir : même sens. Formé sur le radical gésir, être couché ( c'est lui qui apparaît dans notre ci-gît). 1. David [...] purjut altrui mullier ( Garn.), David niqua la femme d'autrui 2. Les paysanz tuoent, les femmes purgiseient ( Wace, Brutus).

Porpisser : vous avez besoin d'une étymologie? Ca existe depuis avant le XIVe siècle. Quant Maquesai revint si prist a porpisser ( Poét. fr. ).

Pormerder : archaïcho-néologisme personnel ( je sais, y'a pas de quoi être fier o^_^o). Le sens 1. est inpiré de porpisser, le 2. en dérive en se basant sur la notion de totalité contenue dans le préfixe.

Détalenter : formé du préfixe disjonctif des mis sous une orthographe modernisé, et du mot talent. C'est un autre néologisme personnel, qui mélange le sens actuel du mot talent, c'est à dire une capacité particulière à quelque chose, au sens du mot en ancien français : désir, envie, vouloir. Détalenter, c'est donc priver à la fois de la capacité et de l'envie de faire.

Ester : l'expression ester en justice existe toujours. Pour le sens du verbe, il est toujours le même depuis la racine proto-indo-européenne *stha. Et je me demande si l'on n'est pas la seule langue Indo-européenne à l'avoir perdu. C'est l'anglais to stand, l'allemand stehen, l'italien, le latin stare, le sanskrit stha, l'espagnol estarse, etc... Son assassin c'est être, qui en a piqué des bouts pour sa propre conjugaison ( indice : vous trouvez que l'imparfait de l'indicatif du français ressemble à celui de esse en latin ? ;-)

La conjugaison complète de gésir :

Indicatif présent : gis, gis, gît, gisons, gisez, gisent
Subjonctif présent : gise, gises, gise, gisions, gisiez, gisent
Impératif : gis, gisons, gisez
Imparfait : gisais, etc...
Futur : girrai, etc...
Conditionnel : girrais, etc...
Participe présent : gisant
Passé : gis, gésis, gît, gésîmes, gésîtes, girent
Imparfait du subjonctif : gesisse, gisses, gît, gésissions, gésissiez, gésissent
Participe passé : geü

De l'orthographe et autres :

La première mesure que je vous propose porte sur les mots se terminant par -f et leur pluriel, et sur clef en particulier. En effet, tandis que l'on écrit un boeuf - des boeufs, un nerf - des nerfs, on écrit une clef - des clés ( selon une règle que j'aurais juré avoir lue dans le Trésor de la langue française du CNRS, mais que je ne retrouve plus ^_^, ), et plus souvent même pire : une clé - des clés. Il faut que cela cesse !
Et comme en ancien français, à une époque où toutes les lettres, une s finale comprise, se prononçaient, le -s de flexion absorbait une f ou un v final, je vous propose de cesser de faire relativement simple pour faire compliqué. Je vous propose donc, les exemples donnent l'idée générale, que la règle soit désormais : un boeuf - des boeux ( par analogie de graphie avec les autres pluriels impliquant un u dans la syllabe finale), un nerf - des ners, une clef - des clés !

Ensuite, je vous propose une contre-réforme ( coucou à nos amis protestants ;-p pour que l'on retourne aux orthographes grand'roue, grand'rue ( ce sont les exemples qui me reviennent à l'esprit), qu'une réforme félone pour une fois suivie ( mais comment est-ce possible ?!! d'habitude, on les respecte jamais !!!) voudrait, si ma mémoire est bonne mais je suis rebelle donc peu m'importait jusqu'à cette note ( vous aimez les digressions de cette sorte ?), que l'on écrive grand-roue, grand-rue, mais-où-va-t-on-ma-bonne-dame-je-vous-le-demande !
S'il est trop tard pour des mots comme grand-mère, que j'ai moi-même la faiblesse d'écrire ainsi, les exemples que je vous ai cité sont les derniers héritiers des adjectifs épicènes de l'ancien français. Oui mes enfants, je vous parle d'un temps qu'en lisant ce blog vous pouvez connaître, om grande n'existait pas, où l'on disait une grant feme, et pas une grande feme. Si ma mémoire est bonne, le truc de l'apostrophe est un héritage du XVIIe siècle, où l'on était pas trop à l'aise avec ce qui perdurait de cette indétermination en genre de l'adjectif.
Cette orthographe est donc le gingko biloba de l'orthographe, le coelacanthe de la langue ( si quelqu'un connait le code ASCII pour «l'e dans l'o»...) ; il faut préserver la biodiversité du français !!!

Enfin, toujours à fin de préservation, je milite pour restituer le genre féminin à certaines lettres de l'alphabet, qu'on a désormais tendance à toutes considérer au masculin. La règle sacrée que j'ai lue un jour, peut-être dans la Grevisse, est que si en s'imaginant écrire la prononciation d'une consonne le «mot» commencerait par une voyelle, alors le genre de cette consonne est féminin. Explicitement, je dis qu'il faut dire ( hou ! que c'est laid d'ainsi dire !) : une f, une h, une l, une m, une n, une r, une s, un x ( il faut toujours une exeption ! ;-p ).

Et maintenant, sortez du net et allez porter la bonne parole !!!

Aucun commentaire: