mercredi 21 novembre 2007

Après la bombe



Ce qu'il y a de bien avec les guerres, c'est qu'il y a de la souffrance pour tout le monde. La dernière fois je vous avais parlé d'un manhwa sur les «femmes de réconfort», cette fois ce sera d'un manga lié à Hiroshima. Ce ne sera pas Gen d'Hiroshima, dont sort en ce moment une version de poche ( je sens que je n'aurai jamais le temps de la lire).



Non, c'est du Pays des cerisiers de Fumiyo Kouno dont je vais vous parler. Avant d'entrer dans le vif du sujet, notons une particularité extérieure à lui-même de ce manga : il a reçu un prix, le prix de la culture de l'édition 2005 du prix Tezuka, et pourtant je l'ai acheté et apprécié quand même. Généralement je me méfie comme la peste des prix et de leur côté essentiellement promotionnel ( si un jour vous me voyez acheter un Goncourt ou assimilé je vous en prie, achevez-moi !). Il y a aussi une particularité de ce genre propre à l'édition française : généralement, quand je lis sur un résumé de bouquin «l'oeuvre polémique d'un auteur engagé !» je le repose et il n'en est plus question...
Ceci étant dit, parlons un peu de ce manga. Il contient deux histoires : une courte, La Ville du yûnagi, et une longue Le Pays des cerisiers en lui-même. Un fait intéressant est que ces deux histoires se passent après l'explosion de la bombe, la première déjà en 1955, l'autre sans doute de nos jours ( au moins après 1987), et que pour ainsi presque rien n'est montré de l'explosion et de ses conséquences immédiates. Les conséquences ultérieures elles-mêmes sont essentiellement dans l'évocation plutôt que dans la démonstration. Le manga parvient ainsi à éviter le pathos mais dans le même temps il n'y a pas d'ambiguïté quand à son propos. Pour vous donner un ordre d'idée vous ne verrez pas de mourants brûlés au 3e degré, mais au pire une tête bandée ou un corps stylisé ( je dois pouvoir moi-même faire ça sous Paint), et peu. Si vous avez vu Le Tombeau des lucioles vous savez ce qu'il montre et ce qu'il ne montre pas. Ce manga se situe à peu près au même niveau. ( mon souvenir est diffus, mais Nuits et brouillards était-il plus démonstratif quant à son sujet ?).
La trait de la mangaka est relativement simple, mais dans le même temps je le trouve très joli, c'est peut-être un de mes préférés ( aaah si je savais dessiner comme ça, je serais déjà le roi !). Et je lui trouve un côté tendre qui convient bien aux deux histoires. Et c'est peut-être cet adjectif même qui s'applique le mieux à celles-ci. Petit détail aussi qui me rendrait la version originale intéressante ( en dépit de la qualité de la version française) : les personnages originaires de Hiroshima ( oui, note au passage et sans rapport, merci de ne pas élider «de», la H étant aspirée) parlent avec l'accent de la région -l'auteur elle-même est née à Hiroshima, mais elle précise que ni elle ni ses parents ne sont des vitcimes de la bombe-, ce que la version française ne rend pas pour des raisons raisonnables ( vous réagiriez comment à un manga où l'on parle ch'timi ou auvergnat par exemple ? ^_^, ).
Pour vous dire un mot de la deuxième histoire, je dirais que c'est celle de la vie simple de quelques personnes de la première génération après la bombe, celle des enfants de victimes survivantes, et des traces du destin de leurs parents sur celle-ci ( vous adorerez le malaise de la mère page 80).
Quant à la première, elle fait une trentaine de pages. Les 10 premières sont l'évocation de la vie quotidienne d'une femme victime de la bombe, qui le soir après son travail retourne dans un quartier pauvre où vivent dans des cabanes ceux qui n'ont plus leur maison. Les 12 suivantes sont la remontée de ses souvenirs des jours suivants l'explosion face à une déclaration d'amour d'un collègue. Elle finit par accepter cet amour. Puis, elle meurt. Sur la dernière page de l'histoire le vent souffle, la vie continue immuable, c'est l'anniversaire du bombardement, celui qui l'aime sera seul, elle est morte.

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